Concernant Venom, est-ce qu’on peut vraiment le réduire à un simple ver solitaire un peu bruyant, encombrant avec un penchant pour la bagarre. Même si Venom a certaines similitudes avec les parasites (son besoin impératif d’un hôte pour vivre sur Terre, son gout prononcé pour les abats…), il a aussi quelques différences notables. Donc serait-il réellement un symbiote ?
L’exemple le plus marquant de symbiose réussie est celui qui nous concerne directement et que nous expérimentons tous involontairement et quotidiennement: la symbiose presque parfaite associant l’humain (homo sapiens sapiens) et la multitude d’organismes unicellulaire qui compose notre flore colique (faune serait mieux adaptée) : votre microbiote c’est 1000 espèces de bactéries / levures, archées et associées, bien au chaud tout au long de votre tube digestif depuis la bouche jusqu’au rectum, mais particulièrement bien présentes dans le côlon, où on en trouve en moyenne 100.000 milliards (1014 , pour les matheux).
Cela présente environ 2Kg de masse biologique dont vous ne soupçonnez même pas l’utilité ou les pouvoirs : de la digestion des fibres végétales et des résidus alimentaires, la production d’acides gras à chaine courte (du carburant pour nos cellules, qui fournit la moitié de l’énergie dont a besoin votre intestin), de vitamines dont l’hôte humain à besoin ( K, B12, B8…), à la régulation et modulation de l’expression de vos gènes (oui ça peut paraître intrusif mais votre organisme n’est pas seul décisionnaire quant à l’utilisation de votre matériel génétique), en passant par la stimulation indispensable au développement de votre système immunitaire , de la vascularisation et neurologique du système digestif (oui , y a beaucoup de neurones dans le côlon et ils y sont réellement indispensables)… Mais aussi la protection de votre muqueuse intestinale, la régulation des échanges entre l’intérieur et l’extérieur, la production des métabolites divers qui vont permettre une communication constante, tant hormonale que nerveuse entre votre cerveau et son annexe (votre gros intestin, 2ème cerveau), à tel point que votre microbiote influence indéniablement votre comportement : humeur, sommeil, alimentation, niveau de concentration… Des « microbes &associés » qui ont sans doute beaucoup à voir dans l’évolution de l’espèce humaine sur les 500.000 dernières années (c’est peut être ça qui a fait la différence avec nos cousins primates, plus que les gènes ou la taille du cerveau) et nous ont rendu sans doute plus performants face à la sélection naturelle. En bref, nous ne pouvions pas choisir meilleur partenaire de symbiose…A moins que ce ne soit pas nous qui ayons réellement fait ce choix, mais… « Eux » ! Puisqu’ au final, nous sommes devenus un holobionte (c’est pas une insulte digne du capitaine Haddock ! C’est une symbiose entre un macro-organisme pluricellulaire -nous- qui devient l’hôte permanent et unique de tout un monde de micro-organismes) qui abrite plus de cellules et de matériel génétique « étranger » que ses propres cellules et matériel génétique.
Nous sommes mêmes un holobionte² car nos cellules sont le siège d’une deuxième symbiose bien plus ancienne et qui nous est totalement indispensable : nos mitochondries. Ces espèces de petites vésicules plus ou moins cloisonnées, contenues dans le cytoplasme de nos cellules, sont en fait d’anciennes bactéries que l’on a adoptées il y a fort longtemps. Elles ont permis à nos cellules, bien avant que ce soit les nôtres (à l’époque où la vie se résumait à un « joyeux » mélange de bactéries, d’archées -des cellules sans noyau-, de cyanobactéries, ancêtres des algues…etc.), de s’adapter à l’aérobie : la vie au grand air…Bien riche en oxygène. Cet oxygène, habituellement toxique pour la cellule, est utilisé par la mitochondrie pour oxyder le glucose et produire de l’énergie sous forme d’Adénosine TriPhosphate (ATP pour les intimes… et tous les étudiants en bioch, médecine, diets…etc.) , carburant indispensable de la cellule ! Pour ceux qui ont de plus ou moins vagues souvenirs d’un truc qui avait l’air super important pour le prof de SVT , le cycle de Krebs …Eh bien c’est dans les mitochondries que ça passe et c’est ce que l’on appelle la respiration cellulaire. « Le Truc » de base super important quand on veut comprendre comment ça se passe dans une de nos cellules et comment on est passé du burger frites à l’ATP. L’incorporation d’une bactérie entière avec son propre ADN et sa perpétuation au sein de la cellule c’est la théorie de l’endosymbiose (une vraie symbiose interne, car techniquement notre microbiote est dans notre milieu extérieur interne… une sorte de ligne de front frontalière digestive !)
Et enfin, il existe quelques aliments issus d’association symbiotique : les kéfirs (de laits et de fruits) et le komboucha. Ce sont des aliments fermentés qui résultent de l’action conjointe de bactéries et de levures siégeant dans une matrice de polysaccharides et de protéines, synthétisée par la partie bactérienne de la symbiose. Aliments très anciens, ils ne sont pas pourvu de toutes les vertus qu’on leur attribut actuellement, assez abusivement et grossièrement par toutes sortes de charlatans (Répétez après moi : il n’existe pas d’aliment- miracle). Si néanmoins vous vous lancez dans cette aventure, soyez très attentif à l’hygiène de votre matériel et au couple temps/température de votre fermentation maison : une erreur de manip peut vous faire passez beaucoup de temps dans vos toilettes ou chez votre médecin.
Pour en revenir à notre cher Venom, il est indéniablement un parasite : il a un besoin impératif et vital d’un hôte pour vivre sur Terre et peut occuper son hôte jusqu’à ce que mort s’en suive. Mais il a également la capacité de passer en mode symbiotique : il rend quelques fiers services à ses partenaires de symbiose (force, rapidité, endurance, cicatrisation exceptionnellement rapide malgré « un petit souci ORL ») et en contrôlant un minimum ses instincts et ses envies alimentaires « originales », lorsque son hôte du moment lui plait particulièrement (il a un vrai crush pour Anna et il ne déteste pas Mme Chen), ou avec lequel il s’identifie (Eddie Brock). Une sorte de parasite à géométrie variable, doué pour la coopération inter-espèces et la bagarre, qui s’adapte aux milieux, aux corps et aux circonstances !